CRITIQUE de Alita: Battle Angel, l’attente est enfin récompensée
Véritable Arlésienne d’Hollywood, l’adaptation du manga Gunnm de Yukito Kishiro fait enfin son arrivée dans les salles françaises, sous le nom d’Alita: Battle Angel. Derrière ce titre, héritage de l’édition américaine du manga, se cache un réjouissant conte cyberpunk.
Une œuvre légendaire s'invite dans nos salles obscures
Édité par la Shûeisha entre 1990 et 1995, le manga Gunnm de Yukito Kishiro raconte le destin de Gally, une cyborg amnésique aux origines particulièrement complexes, qui lutte pour sa survie dans La Décharge, la ville-poubelle de Zalem, la cité dans les nuages. Chef d’œuvre du courant cyberpunk, la bande dessinée de Kishiro a été pillée de toute part, y compris (et surtout) par Hollywood ces 30 dernières années. Évidemment, il a bien fallu qu’à un moment, la Cité des Anges s’intéresse au cas de Gally. C’est James Cameron qui, dès 1999, a commencé à plancher sur une adaptation américaine de l’œuvre, sortie aux States sous le nom de Battle Angel Alita quelques années plus tôt.
Alita: Battle Angel est un bon film de science-fiction, et ce par de multiples aspects.
Côté histoire, tout d’abord, le film de Robert Rodriguez parvient à capturer l’essence de l’œuvre originale, et ce dès les premières minutes. Tout comme le manga, qui introduit Alita (nommée ainsi dans le film, et non Gally) et Ido dès les premières pages, le film en fait de même et ne perd pas de temps avec une exposition trop longue. Le spectateur suit alors la renaissance de l’héroïne, trouvée inanimée dans les tréfonds de La Décharge, renommée pour l’occasion Iron City. D’une durée de deux heures, ni plus ni moins, le film condense une grosse partie des évènements majeurs du manga originel, tout en s’attardant sur certains chapitres soit très importants (l’histoire d'Hugo) ou spectaculaires (le Motor Ball). Le scénario, signé James Cameron, n’hésite pas à réécrire certains aspects de l’histoire pour fluidifier l’ensemble. Certains détails feront sans doute tiquer les aficionados de l’œuvre de Yukito Kishiro, mais force est de constater que l’esprit du manga est globalement bien conservé, et que l’histoire, tout comme la narration en général, s’avère très agréable à suivre : les deux heures de film défilent sans aucune seconde d’ennui, et nous passons constamment de scènes posées à des scènes d’action qui n’hésitent pas à mettre en avant une violence bien connue des lecteurs du manga – jusqu’à un certain point tout de même, le film étant tout public.
Impressionnant...
Les effets spéciaux d’Alita : Battle Angel sont tout bonnement ébouriffants. Le choix d’avoir misé sur une interprétation en motion capture pour Alita (dont les yeux ne sont en aucun cas un problème dans le film, il faut le souligner) était, là encore, une bonne décision au regard des possibilités offertes par cette technologie. La jeune actrice Rosa Salazar parvient à faire d’Alita un personnage à la fois sensible, naïf et terriblement combattif, et le fait que nous nous retrouvons face à une interprétation en partie virtuelle est très vite oublié. Tous les cyborgs présents à l’écran sont incroyablement réalistes, mettant en avant des technologies poussées qui parviennent cependant à rendre hommage à l’inventivité du mangaka, qui a imaginé cet univers il y a une trentaine d’années.
Tous les cyborgs présents à l’écran sont incroyablement réalistes.
Alita: Battle Angel a-t-il des défauts ? Le film a deux problèmes, qui sont intimement liés. Le premier, c’est qu’il force le trait dans ses ambitions d’être plus qu’un film. Le scénario est particulièrement ouvert, laisse de multiples questions en suspens et donne envie d’en voir plus, beaucoup plus. D’ailleurs, quiconque s’étant déjà penché sur le manga Gunnm, mais également ses deux suites Gunnm: Last Order et Gunnm: Mars Chronicle, constatera immédiatement qu’il y a encore beaucoup à raconter. Mais cette promesse d’en montrer plus reste aujourd’hui assez fantasmée, puisque les producteurs ne cachent pas que la possibilité d’une suite dépendra uniquement du succès du film en salles. Et c’est là que survient le second problème : avec un budget de plus de 200 millions de dollars rien que pour la réalisation, Alita va devoir attirer du monde en salles pour se rentabiliser. Et la Fox ne fait pas de tapage outrancier autour du film, comme c’est souvent le cas pour les blockbusters. Pire : le studio semble même avoir du mal à faire rentrer son métrage dans les cases qui vont bien. Des affiches aux bandes-annonces, l’univers d’Alita peut sembler flou pour quiconque ne connaît pas l’œuvre dont le film s’inspire — œuvre qui, pour ne rien arranger, porte un nom différent un peu partout dans le monde. Le public sera-t-il au rendez-vous ? La question mérite d’être posée, à quelques jours de la sortie du film, prévue le 13 février en France.
Dans ce contexte, il aurait sans doute été un peu plus judicieux qu'Alita: Battle Angel verrouille un peu plus son intrigue, plutôt que de laisser un boulevard à une suite incertaine. Il ne reste plus qu’à espérer que le nouveau film de Robert Rodriguez — et, très clairement, de James Cameron — ne devienne pas un Warcraft bis. Ce serait fort dommage, compte tenu de la qualité du film.
Note : 5 étoiles sur 5