Test PS4
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TEST de Erica : du cinéma interactif en exclusivité sur PS4

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Erica : Le dernier jeu narratif et interactif de Flavourworks fait tout ou presque pour nous faire oublier que nous sommes face à un jeu vidéo.

Pour le prix d'une place de cinéma

Des productions interactives sur PS4, nous en avons déjà eu plusieurs, des titres de Quantic Dream à l'horrifique Until Dawn. Mais des expériences qui sont uniquement composées de prises de vue réelles et qui ne sont pas des portages ou hommages aux FMV à l'ancienne, c'est plus rare. Alors quand Flavourworks a dévoilé Erica, une histoire exclusivement en live-action avec des scènes interactives et en exclusivité sur PS4, il y avait de quoi être curieux. Le titre a été lancé sans crier gare durant la gamescom 2019, et nous sommes désormais à même de vous livrer notre test.

Pouvons-nous encore parler de jeu vidéo avec si peu de profondeur dans le gameplay ?

Autant se l'avouer, Erica n'est pas beaucoup plus un jeu vidéo que Black Mirror: Bandersnatch. Le titre se joue à une main, avec des choix ponctuels à pointer ou des mouvements à dessiner via le pavé tactile de notre DualShock 4, ou notre téléphone en utilisant une application compagnon, et des mouvements à tracer de la même manière. Le titre vous le conseille, et nous aussi : Erica s'apprécie mieux avec un smartphone, le pavé tactile de la manette étant définitivement trop petit et imprécis pour l'expérience, même si le pointage par téléphone n'est pas non plus extrêmement précis. L'appairage se fait heureusement très facilement et, une fois que nous avions compris qu'il fallait bien prendre toute l'amplitude de notre écran pour faire les tracés des mouvements demandés par le jeu, nous n'avions plus trop de souci à nous faire. Pouvons-nous encore parler de jeu vidéo avec si peu de profondeur dans le gameplay ?

Comme évoqué précédemment, la particularité de cette production est que, à quelques images de synthèse près, elle est exclusivement faite de plans de vrais décors et d'acteurs en chair et en os. Fort heureusement, les acteurs sont investis et n'en font pas de trop, ce qui est essentiel dans ce genre d'expérience. La réalisation est très soignée, avec quelques plans de caméra originaux, une utilisation intéressante de l'interactivité dans certaines scènes, et un vrai travail sur la lumière, bien que beaucoup de scènes soient trop sombres (et que les développeurs aient abusé sur le flou radial). Pour ceux qui joueront en VF, le travail des doubleurs est qualitatif, mais rien ne vaudra la justesse du jeu des comédiens originaux. Pour passer très vite sur la partie sonore d'ailleurs, le talent du compositeur Austin Wintory se laisse parfois trop oublier au profit de musiques qui forceraient presque la mise en ambiance, mais quelques thèmes originaux réussissent tout de même à ressortir du lot avec brio.

Erica pic 4Alors, difficile de juger la qualité des graphismes, inexistants, mais il est tout de même bon de noter qu'il n'y a pas de souci de compression ou de ralentissement sur aucune des scènes, toute l'histoire se fait avec une fluidité totale, sans temps de chargement apparent. La succession entre phases d'interaction et de narration est également très limpide, avec un joueur très régulièrement investi de micro-tâches de sélection ou de mouvement pour maintenir notre attention et nous rappeler que, quand même, nous sommes dans un jeu vidéo. Les mouvements des objets induits par notre toucher sont d'ailleurs très étonnants, bougeant seuls à l'écran sans contact avec Erica, avec une qualité d'animation si réussie que nous n'avions pas toujours compris s'il agissait d'images de synthèse ou retravaillées en post-production pour effacer les artifices.

Si les dialogues à déclencher sont représentés par du texte apparaissant clairement à l'écran, les indicateurs d'action à réaliser sont visuellement très fins, parfois trop, avec de simples halos de lumière sensés nous laissé deviner le mouvement à faire. Concentrés sur notre écran de télévision et pas sur notre téléphone, il nous est arrivé plusieurs fois de rester quelques secondes à attendre que l'action continue avant de comprendre que nous devions agir. Cela casse malheureusement un peu l'immersion et le rythme, nous obligeant à détourner le regard de l'action, là où nous aurions aimé rester pleinement concentrés sur un écran. Mais il s'agit là de détails, Erica étant finalement assez juste en termes de jouabilité, le peu qu'il propose à ce niveau-là étant volontaire, et pour mettre la lumière son son récit. Il est d'ailleurs conçu comme un film à bien des égards, au niveau de sa structure narrative comme de sa durée ; un peu moins de deux heures.

Mystère et boule de gomme

Erica, c'est donc l'histoire d'une jeune fille éponyme qui a grandi avec la disparition tragique de sa mère, et le meurtre de son père, par un criminel dont elle a peut-être entraperçu le visage, effacé par le temps. Alors qu'elle reçoit un colis contenant la main d'un employé du Manoir de Delphes, une clinique aidant les jeunes femmes à soigner leurs troubles psychiques, où travaillaient ses parents, l'enquête va faire ressurgir son passé.

Le récit est fluide à tous les niveaux, les rouages de la narration par embranchement se laissant étrangement oublier.

Erica pic 6Conspiration, traumatisme infantile, problèmes psychiatriques et soupçon de paranormal : les thématiques sont lourdes, mais évoquées en filigrane, souvent de manières indirectes, parfois de façon métaphorique. À tel point que le récit peine à prendre, entre une héroïne trop mutique, une tonalité proche du mystique un peu usante, des personnages pour lesquels il est difficile d'avoir de l'empathie en raison de leur brève présence à l'écran, et des enjeux primaires trop vite devinés et sans rebondissement surprise. La fin ouverte et volontairement nébuleuse, et quelques éléments mystérieux offrent cependant la possibilité d'une seconde lecture, suivant la sensibilité de chacun. Attention, pas le temps de s'ennuyer non plus, la durée de vie ne le permettant pas, mais nous regretterons le manque de densité et de volume de ce scénario qui reste assez simple, là où des films du même acabit ont fait mieux. D'ailleurs, difficile de ne pas penser à du réchauffer d'histoires comme celles d'A Cure for Wellness ou Sucker Punch, dont le cadre et la liberté d'interprétation résonne forcément avec celui d'Erica, qui offre malgré tout une lecture plus humaine et terre à terre du genre que ses compères.

Mais la particularité d'Erica, c'est forcément son caractère interactif. Comme nous l'avons déjà dit, le récit est fluide à tous les niveaux, les rouages de la narration par embranchement se laissant étrangement oublier, grâce à des enchaînements sans rupture et des dialogues sans fausse note, alors même que jusqu'à trois ou quatre choix d'action et six ou sept choix de dialogue sont parfois proposés. À aucun moment nous n'avons eu l'impression d'être dans une aventure à choix multiple, notre récit étant cohérent de bout en bout. Et ce sera le cas quelle que soit votre approche : des dialogues inédits ou des scènes entières vous seront montrés ou non en fonction de vos décisions, mais vous offriront simplement une manière différente de percer les mystères autour de la jeune femme, ou une lecture plus complète de l'histoire si vous souhaitez y rejouer, sans influer sur l'épilogue. Tout se recoupera en effet de la même manière à quelques minutes de la fin, suite à quoi quelques choix cruciaux permettant de dessiner votre conclusion vous seront proposés.

Même en ayant conscience de l'intérêt d'une nouvelle partie, Erica n'a pas suscité notre envie d'être relancé tout de suite, la liste des changements majeurs ne justifiant pas un second passage obligatoire. Les chasseurs de Trophées et ceux qui ont réellement accroché à l'univers auront cependant de quoi faire pour percer l'intégralité des secrets à jour, avec notamment quelques scènes cachées à découvrir en pointant des éléments non mis en avant par le jeu.

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En définitive, Erica a malheureusement les qualités et les défauts récurrents de ce genre d'expérience. Malgré une réalisation soignée, des acteurs au top et une narration pleine d'idées et de bonnes intentions, son histoire manque d'inventivité et peine à pleinement nous faire accrocher à son univers et ses personnages. La jouabilité, réduite au minimum, est au service de la fluidité quasi parfaite de ce récit interactif et intuitif, qui réussit parfaitement à masquer la grosse mécanique des embranchements multiples, malgré la variété et le nombre de ses choix. Nous y rejouerons sûrement d'ici quelque temps pour explorer ses easter eggs, ses dialogues et scènes alternatives, parfaitement imbriquées dans la narration globale, mais en attendant, nous garderons de Erica non pas le souvenir d'un mauvais jeu, mais sûrement celui d'un film moyen (ou correct) qui va forcément diviser.


redacteur vignette White Cloud  Auxance M. (White Cloud)
Rédacteur - Testeur
Doté d'une culture pop à toute épreuve, passionné de musique qui fait boom boom, adepte de séries comiques en tout genre, étudiant à mes heures perdues, joueur régulier de Pokémon et de FIFA.
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Les plus
  • Les embranchements narratifs qui se font totalement oublier au profit d'un récit fluide
  • La réalisation soignée, les acteurs dans le juste jeu
  • Un mystère qui donne envie d'avancer jusqu'à la fin d'une traite
  • Une vraie ambition et envie de proposer quelque chose de nouveau
  • Du potentiel de rejouabilité si vous accrochez vraiment
Les moins
  • Les thématiques vues et revues dans le cinéma de genre
  • La liberté d'interprétation nous a empêchés de pleinement accrocher
  • La jouabilité à la manette à oublier
  • Devons-nous encore parler de gameplay à ce niveau-là ?
Notation
Réalisation
18
20
Bande son
14
20
Jouabilité
11
20
Durée de vie
11
20
Scénario
12
20
Verdict
12
20

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