TEST - Beyond Eyes : à acheter les yeux fermés ?

Rae est une petite fille comme les autres, qui aiment s’amuser. Du moins jusqu’au jour où un tragique accident la plonge dans une cécité plus que paralysante à son jeune âge. Cloitrée chez elle sans espoir aucun, elle reçoit un jour la visite d’un petit chat, qu’elle prénomme Nani. Une relation naît alors de leur rencontre. Puis vient le moment où le compagnon animalier ne se montre plus. Alertée par sa soudaine disparition, l’héroïne de fortune décide de partir à la recherche, dans un monde désormais inconnu à cause de ses yeux qui n’y voient plus.

Ennuie plus qu’il ne divertit.

Beyond Eyes repose sur un concept exotique, mais déjà entrevu dans un autre jeu, à savoir The Unfinished Swan. Concrètement, le but est de nous plonger dans la peau d’une personne aveugle et ce postulat de départ a une incidence directe sur notre perception des environnements. Le monde qui nous entoure est un vaste vide qui se remplit au gré des pérégrinations de Rae. À mesure qu’elle avance, forcément à tâtons et avec la peur de l’inconnu, les décors se dévoilent grâce aux sens qui lui restent (ouïe, toucher et odorat). Parfois, des erreurs basées sur son intuition et son expérience troublent ses sensations et sa reconnaissance. Il y a donc des sensations un peu inédites dans cette production indépendante, qui fait moins office d’un tiroir à plaisir vidéoludique que d’un voyage guimauve.

D’ailleurs, Beyond Eyes se veut simpliste à l’extrême, même dans ses dispositifs narratifs, pour mieux laisser le joueur apprécier l’univers dessiné à l’aquarelle à sa juste valeur. Là où le bât blesse, c’est que le gameplay devient vite redondant : Rae, lente comme pas deux, doit juste trouver son chemin en priant pour que ça soit le bon, en évitant ce qui l’effraie (les chiens qui aboient), et les rares interactions se comptent sur les doigts d’une seule main. Autrement dit, le trip, si mignon et attachant soit-il, devient beaucoup trop vite ennuyeux pour nous faire décoller durant les deux heures - à peine - nécessaires pour terminer l’aventure. C’est fort dommage, tant certaines mécaniques auraient pu être trouvées pour pimenter la prise en main (comme dans The Unfinished Swan par exemple).

En termes d’habillage, nous avons droit à une direction artistique tout à fait en adéquation avec son sujet. Elle repose sur des couleurs tranchant avec le blanc du vide et des effets d’estompe sur les éléments apparaissant petit à petit. La magie visuelle fonctionne, d’autant que la bande-son s’axe sur des mélodies discrètes et de rares phrases prononcées par Rae (ces « Nani ? » à répétition qui peuvent agacer les moins patients).

Au final, Beyond Eyes constitue malheureusement une déception. Tel un bonbon d’apparence gustative attractif plombé par un goût des plus banals, le titre est tristement creux et ennuie plus qu’il ne divertit. Les adeptes du néologisme trouveront en lui l’occasion de le taxer d’attachiant, soit l’adjectif qui lui correspond le mieux. À ne vraiment pas acheter les yeux fermés.