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TEST de Afterparty : comme un arrière-goût de lendemain de cuite en Enfer

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Afterparty : Le successeur spirituel d'Oxenfree nous dépeint une vie après la mort comme personne, à expérimenter si vous n'avez pas peur des jeux narratifs.

Un univers bien à part

Avec le temps, Oxenfree a acquis l'amour du public, et plus particulièrement celui des fans de jeux mêlant exploration et narration. Pour son nouveau projet, Night School Studio délaisse la science-fiction, mais garde son envie de mettre en scène de jeunes héros en quête de repères, ici amenés en Enfer après une mort soudaine.

Un humour adulte sans être jamais grossier ou vulgaire.

L'histoire d'Afterparty impose l'ensemble de son cadre. Nous incarnons ici Milo et Lola, décédés dans de mystérieuses circonstances alors qu'ils devaient aller fêter la fin du lycée avec leurs « amis », un bien grand mot pour ces meilleurs potes marginaux, qui se sont toujours suffi à eux-mêmes. Ils se retrouvent alors plongés malgré dans un Enfer où cohabitent démons et humains subissant leur punition éternelle, et confrontés aux farces et aux procédures administratives de ce monde infernal.

Le principal atout du jeu, c'est bien évidemment cet univers sans pareil, qui tourne un lieu horrible en dérision, sans pour autant masquer ses travers. Torture, luxure et vices sont ainsi montrés à l'écran de manière décalée et non explicite, avec un humour adulte sans être jamais grossier ou vulgaire. Cet Enfer ne manque cependant pas de vie, alors que chaque environnement est prétexte à expliquer un peu plus les passe-temps des locaux, coincés ici pour l'éternité, et qui reproduisent des schémas d'autodestruction bien connus des vivants. Très vite, nous comprenons que la vie après la mort n'est pas si éloignée de la nôtre, et qu'elle va nous faire rire et réfléchir autour de nos problèmes de mortels.

Afterparty 24 03 2018 screenshot (1)Que ce soit à travers les histoires des démons que nous allons croiser ou celle de Milo et Lola, qui refusent d'accepter leur sort, les problématiques de l'amitié, de l'amour, de la quête d'identité, du passage à l'âge adulte, des ambitions, de l'addiction, et bien d'autres sont mises en scène avec une écriture fine et travaillée. Les dialogues sont tirés au cordeau, remplis de références amusantes (et parfois trop pointues pour être comprises, avouons-le), livrés avec une verve sans pareil et ne tournent pourtant jamais en rond. Ces grandes qualités d'écriture ont malheureusement aussi leur défaut, à savoir de livrer une expérience souvent trop bavarde, voire harassante avec le temps, mais aussi le fait que les discussions sont tellement étirées que les informations principales se perdent dans les envolées lyriques. De même, la multiplicité des petites blagues réussit tout juste à nous faire sourire ou à nous faire remarquer que les propos sont malins et bien ficelés, sans pour autant jamais déclencher l'éclat de rire qui semblait voulu. Autre revers de la médaille : là où de longs temps de trajet sont prévus pour laisser toute la place aux personnages de s'exprimer, dès que le silence se fait entendre, la lourdeur des déplacements s'en retrouve d'autant plus exacerbée.

L'Enfer, c'est les autres

Outre son côté « simulateur de marche babillarde » qui casse un peu le rythme et rend l'expérience globalement molle, Afterparty n'en oublie pas de proposer des séquences plus dynamiques, le plus souvent lorsque nous n'avons pas besoin d'avoir la manette en main. Ponctuellement, nous avons droit à des mini-jeux dont nous vous laisserons découvrir la nature, des plus rafraîchissants et amusants, à l'exception du défi final, une vraie purge de laquelle nous n'avons retiré aucun plaisir. Ces moments restent trop rares, d'autant plus qu'ils permettent de redonner un peu de rythme au gameplay bien morne, et manquent d'impact : l'absence de climax évoquée pour les conversations est cependant aussi présente dans les instants d'action, qui manquent de ce petit plus pour vraiment nous impliquer, jusqu'à un « grand final » qui tombe à plat et nous fait regretter un certain manque d'ambition en termes de mise en scène.

L'identité de cet Enfer est unique et marquée.

Afterparty 24 03 2018 screenshot (4)De nombreuses scènes se déroulent d'ailleurs dans des bars aux ambiances marquées, où la surprenante vie infernale suit son cours, et où nous pouvons commander des verres de notre choix. Suivant le cocktail choisi, notre personnage adoptera une attitude différente, du dragueur au tueur de dancefloor, ce qui ajoutera des possibilités de dialogues exclusives aux discussions. Cela sert rarement à faire avancer l'action dans une direction qui n'aurait pas été atteinte autrement, mais le plus souvent, cela permet seulement de donner un ton original et choisi par le joueur à la conversation. Dommage qu'une mécanique si présente et si amusante ne soit pas davantage développée et intégrée au scénario, ne serait-ce que pour développer de petits embranchements narratifs marqués : le concept même d'Afterparty tourne autour du fait que nos deux héros doivent battre Satan à un concours du plus gros buveur d'alcool, et pourtant, la biture est relayée au second plan. Tout tient la route suivant nos choix de dialogues, mais ils n'impactent finalement que peu de choses au-delà de la réponse qui va en suivre : à une seule reprise, nous pouvons choisir un niveau ou un autre, ce qui ressemble davantage à une incitation à la rejouabilité qu'une véritable envie de laisser le choix de l'approche au joueur.

Afterparty est un jeu totalement tourné vers son histoire, clairement, alors il est difficile de lui reprocher tout cela, mais si vous préférez l'action à la narration omniprésente, il ne vous fera aucun cadeau. Il serait tout de même dommage de passer à côté de cet univers unique, qui brille autant par ses personnages bien écrits que par sa direction artistique. Chaque plan, en intérieur comme en extérieur, est un véritable tableau, avec des couleurs aux reflets fantomatiques qui ressortent des environnements sombres ou rougeoyants. La forme même des personnages et des démons est originale, tout comme le cadrage en vue de côté et presque en contre-plongée, qui donne l'impression d'explorer un diorama cartoonesque.

Afterparty 24 03 2018 screenshot (2)L'identité de cet Enfer est unique et marquée, et sert à elle seule à nous faire sortir de la torpeur de certains passages, en nous donnant notamment envie d'avancer dans le jeu pour découvrir de nouveaux décors et en reprendre plein la vue. Les promenades sont également vivifiées par une bande-son incroyable, avec des sonorités classiques et électroniques, des voix spirituelles et des rythmes hip-hop, mais qui se laisse trop souvent masquer par les dialogues et effets sonores (malgré toutes nos tentatives de réglage manuel). Il ne s'agit d'ailleurs pas de notre seule déception technique : bien qu'il ne paraisse pas spécialement gourmand en termes de graphismes, le titre rame ponctuellement, nous avons subi de nombreuses chutes de framerates, les dialogues se chevauchent parfois ou se coupent de manière brutale, et il y a surtout d'innombrables bugs de collision entre nos héros et leur environnement, nos personnages translatant parfois dans des directions impossibles sans raison particulière ou passant à travers le décor. Les animations assez rigides laissent ainsi penser que la structure technique du projet est loin d'être optimale.

La fête est finie

Le manque de moyen est finalement l'explication a beaucoup de mots de cet Afterparty, qui manque de moments vraiment mémorables, ne diversifie pas assez son gameplay pour trop se reposer sur son scénario et souffre de beaucoup d'écueils techniques. Les jeux narratifs sont souvent accusés d'être des « simulateurs de marche » et, malgré la beauté de cet Enfer, Afterparty en est clairement un, qui agace autant par la lenteur de ses voyages qu'il pourra oppresser par l'omniprésence de ses discussions : l'aventure a beau se terminer en cinq ou six heures, nous avons dû fragmenter notre partie en sessions d'à peine une heure pour prendre le temps de respirer.

Afterparty head

Si vous êtes prêts à passer outre ses défauts systémiques et n'avez rien contre les narrations qui prennent le dessus sur le reste, difficile cependant de ne pas vous recommander Afterparty pour son univers mémorable, ses héros adolescents et rebelles aussi agaçants qu'attachants, sa vibe à la cool qui se ressent autant dans son écriture finement maîtrisée et sa bande-son aguicheuse, et ses moments de détente et de diversité au bar qui redonnent du rythme et l'envie d'aller de l'avant. Une fois la partie terminée, l'expérience reste dans tous les cas positivement en mémoire pour ses qualités et non pour ses quelques lourdeurs, et c'est peut-être ça le principal.

redacteur vignette White Cloud Auxance M. (White Cloud)
Rédacteur - Testeur
Doté d'une culture pop à toute épreuve, passionné de musique qui fait boom boom, adepte de séries comiques en tout genre, étudiant à mes heures perdues, joueur régulier de Pokémon et de FIFA.
Suivre ce rédacteur : Twitter GamgerGen
Les plus
  • Une représentation unique de l'Enfer
  • La direction artistique digne d'un diorama animé
  • Des dialogues riches et raffinés
  • La bande-son aux sonorités mystiques et modernes
Les moins
  • De nombreux bugs d'affichage et de collision
  • Le gameplay très rigide avec des déplacements lourdauds
  • Le manque de climax en termes d'action et d'humour
  • La narration omniprésente qui peut étouffer
Notation
Graphisme
14
20
Bande son
16
20
Jouabilité
11
20
Durée de vie
12
20
Scénario
15
20
Verdict
14
20

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