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ITW Cronos copie

Cronos: The New Dawn, Bloober Team sort des sentiers battus et nous explique pourquoi

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Direction Cracovie pour découvrir Cronos, le prochain survival horror du studio polonais derrière The Medium. Voyage temporel, brutalisme soviétique, ennemis qui fusionnent… les développeurs nous racontent la genèse d’un projet à contre-courant.

Cronos: The New Dawn marque un tournant pour le studio polonais Bloober Team, déjà bien connu pour ses récits d’horreur psychologique. Nous avons eu l’occasion de tester le jeu à Cracovie et de discuter longuement avec deux de ses principaux artisans : Jacek Zieba (Game Director) et Grzegorz Like (Lead Writer & Narrative Designer). L’occasion de revenir sur la genèse du projet, son esthétique marquée, ses choix radicaux en matière de gameplay et cette fameuse mécanique de fusion qui ne pardonne rien.

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Eric de Brocart : Pouvez-vous vous présenter, s’il vous plaît ?

  • Grzegorz Like (GL) — Je suis Grzegorz Like, scénariste principal et directeur narratif sur Cronos.
  • Jacek Zieba (JZ) — Je m'appelle Jacek Zieba et je suis l’un des deux directeurs du jeu Cronos.

Eric — C’est intéressant de vous avoir ensemble : l’un aux commandes, l’autre dans la création. Pouvez- vous expliquer rapidement à quoi ressemble votre travail au quotidien sur le jeu ?

  • JZ — Résoudre des problèmes.

Eric — Très bref, maisj'avais dit  “rapidement”, donc ça va. Et vous Grzegorz ?

  • GL — Je pense que Jacek a beaucoup plus de responsabilités au studio, mais je vais parler pour moi. Moi, je crée les problèmes. J’ai écrit le script du jeu. J’ai conçu toute la structure narrative — à quel moment les choses se produisent, ce que le joueur voit, ce qu’il trouve à lire ou à écouter, etc. On a aussi travaillé ensemble sur la production des cinématiques, ainsi que sur la direction des voix. Voilà ce que je fais.

Eric — L’histoire est très importante. Cronos marque une vraie rupture avec vos précédents jeux plus psychologiques. Qu’est-ce qui vous a poussés vers une expérience plus orientée action et survie ?

  • JZ — Je ne pense pas que ce soit une rupture. On fait toujours de l’horreur psychologique — peut-être aujourd’hui plus philosophique. Mais oui, on a ajouté plus de gameplay, plus d’action, parce qu’on voulait essayer autre chose.
    On veut évoluer en tant que studio. Et avec Cronos, comme on savait qu’on travaillait aussi sur Silent Hill 2, on s’est dit qu’on pouvait développer un second jeu, avec une direction différente de ce qu’on avait fait jusque-là.
    Cronos, c’est une expérimentation. On va voir comment les gens l’accueillent. On y a mis notre cœur et notre âme, donc on espère qu’il sera bien reçu.
  • GL — On n’a jamais cessé d’être des conteurs.
  • JZ — C’est toujours au cœur de notre travail.
  • GL — Il fallait simplement équilibrer narration et action. Et je pense qu’on a réussi cet équilibre dans Cronos.

Eric — Votre premier jeu était magique. Vraiment, j’ai adoré. Ensuite, vous avez travaillé sur le remake de Konami. Et maintenant, vous arrivez avec une nouvelle licence. Est-ce que vous êtes en train de devenir un studio AAA ?

  • JZ — Je ne sais pas. Notre patron dirait sûrement oui. Nous, on essaie de rester humbles. Aujourd’hui, c’est difficile de définir ce qu’est un AAA. Certains jeux le sont clairement, d’autres sont entre deux. On est peut-être entre le AAA et le AA+, disons.
  • GL — Les gens voient les AAA comme des blockbusters avec des budgets fous. Mais ces budgets ne garantissent pas toujours la qualité. Nous, ce qui compte, c’est la qualité. Peut-être que notre jeu ne dure pas 100 heures et n’intègre pas toutes les mécaniques du monde, mais il est soigné. Et c’est ce qui compte.

Eric — Maintenant, parlons de la mécanique de fusion, où les ennemis s’absorbent entre eux si on ne brûle pas leur corps… C’est l’une des idées les plus marquantes du jeu, tout le monde en parle. Comment est-elle née ? Et quel impact a-t-elle sur la tension et les décisions en combat ?

  • JZ — C’était une idée qu’on avait dès le début.On savait qu’on faisait un jeu de science-fiction, avec voyage dans le temps et maladie étrange. On s’est donc demandé : qu’est-ce qu’on peut proposer de spécial côté gameplay ?
    On a imaginé des armes à chargement, pour créer un rythme et un système risque/récompense. Et aussi que les ennemis puissent fusionner quand l’un d’eux meurt. Donc, finir un ennemi, ce n’est pas la fin — c’est le début du vrai problème.
    C’est une approche différente du survival horror classique. On voulait être audacieux. Ça n’a pas été facile : il a fallu de nombreuses itérations pour équilibrer la vitesse, le comportement, la puissance... Mais aujourd’hui, on pense avoir trouvé le bon équilibre. Et on est fiers de cette mécanique. On l’aime beaucoup.
    Alors, ne les laissez pas fusionner. Vraiment. Ne faites pas ça.

Eric — Je vous déteste. Vraiment. Je suis resté bien trop longtemps dans la première caverne avec les trois ennemis…

  • JZ — C’est un test. Une sorte de Resident Evil Village version Bloober.

Eric — Le voyage dans le temps est au cœur de Cronos. Comment avez-vous conçu cette structure narrative entre futur post-apo et Pologne des années 80 ?

  • GL — Deux choses reviennent souvent dans nos jeux. La première, c’est qu’on aime diviser nos mondes. On l’a fait dans The Medium, dans Silent Hill, et dans Cronos. Ici, on a deux temporalités. Ça soutient bien l’horreur psychologique, car chacun a deux facettes. Dans Cronos, c’est raconté via le voyage temporel. Mais au fond, on reste sur une narration intime, centrée sur les personnages et les émotions. La science-fiction peut facilement devenir froide et trop technique. Nous, on voulait rester humains. On a choisi Nowa Huta et Cracovie pour leur authenticité. Je suis né ici. Et l’authenticité, les gens y sont sensibles. C’est ça qui les touche.

Eric — L’identité visuelle du jeu, entre rétro-futurisme et architecture brutaliste, est marquante. Quelles ont été vos inspirations esthétiques ?

  • JZ — Tu parles de rétro-futurisme, mais en réalité, c’est du cassette futurism. Comme dans les vieux films Alien, Blade Runner, ou Star Wars. On est partis du rétro-futurisme, mais on a évolué vers quelque chose de plus analogique, plus réaliste, mais toujours un peu futuriste. On a choisi Nowa Huta avec son architecture monumentale pour créer un cocktail visuel unique. Et comme Grzegorz l’a dit, c’est un lieu réel.
    Autre point important : la langue. Tout ce qu’on trouve dans le jeu est écrit en polonais. Ça crée une dissonance pour les joueurs étrangers, comme si c’était un monde extraterrestre. Et c’est voulu.

Eric — Dans ce que j’ai joué, je n’ai pas vu de jumpscares.

  • JZ — On n’aime pas ça.

Eric — Donc c’est un vrai choix de design ?

  • JZ — Oui. Comme dans The Medium, où il n’y en avait qu’un. On préfère miser sur l’atmosphère. La vraie peur, elle vient de l’intérieur.
  • GL — Les jumpscares, ça vieillit très vite. On préfère construire une tension plus subtile. On joue sur la durée.

Eric — Le stress est réel, et on ne veut pas mourir. En parlant de ça, la difficulté dans Cronos est unique, sans option. C’était pour renforcer l’immersion ou cibler un public particulier ?

  • JZ — Un peu des deux. Mais surtout pour l’immersion. C’est un survival horror — on doit ressentir la survie. C’est une approche un peu old-school, oui. Comme dans les jeux FromSoftware : c’est dur, mais on comprend pourquoi on échoue. C’est juste. Et c’est en surmontant la difficulté qu’on s’amuse.
  • GL — Et ce n’est pas si dur que ça.
  • JZ — Une fois qu’on comprend…
  • GL — Exactement. Je suis écrivain, pas un combattant.
  • Mais le combat se gagne avant qu’il commence — quand tu prépares ton équipement, que tu observes ton environnement. À ce moment-là, c’est facile. Crois-moi.
  • JZ — Au début, c’est volontairement difficile. Il faut s’aligner avec le jeu, comprendre comment survivre. Ensuite, tout devient plus fluide. Mais bien sûr, il y aura des surprises.

Eric — Qu’aimeriez-vous lire le jour de la sortie du jeu ? Quelle phrase résumerait votre rêve de réception critique ?

  • GL — « Comment ils ont fait ça, bordel ? », « Ils l’ont fait. », « Bloober Team frappe encore. »
  • JZ — Voilà. Parfait.

Eric — Merci beaucoup.

 Vous pouvez retrouver notre preview de Cronos: The New Dawn ici 

 

redacteur vignetteEric de Brocart
Fondateur - Directeur de publication
Magicien professionnel, quand je ne suis pas derrière mon PC, photographe amateur, quand j'ai le temps et surtout un grand passionné de réalité virtuelle.
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